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Des chiffres consternants

485 pages, 2000 annexes, c’est ce qu’il aura fallu pour recueillir les preuves des abus sexuels commis au sein de l’Eglise entre 1950 et 2020. Un rapport édifiant réalisé par une commission indépendante (Ciase) dirigée par l’ancien vice-président du Conseil d’Etat Jean-Marc Sauvé.

Ses conclusions étaient redoutées mais on était loin d’imaginer l’ampleur du désastre.

Selon ce rapport, 216 000 personnes (avec une marge de plus ou moins 50 000) de plus de 18 ans ont fait l’objet de violences ou d’agressions sexuelles pendant leur minorité de la part de clercs ou de religieux catholiques en France de 1950 à 2020. Et ce chiffre effrayant monte à 330 000 si l’on ajoute les agresseurs laïcs travaillant dans des institutions de l’Eglise catholique (aumôneries, écoles catholiques, mouvements de jeunesse).

Les garçons ont été les principales victimes, majoritairement âgés entre 10 et 13 ans, ils représentent 80% des enfants abusés.

Le nombre de prédateurs, quant à lui, depuis 1950 serait situé au minimum entre 2900 et 3200 hommes, prêtres ou religieux, un chiffre obtenu grâce aux témoignages recueillis durant 17 mois auprès des victimes. Du moins celles qui ont accepté de parler…

Ce drame a connu son apogée entre 1950 et 1969. Le nombre de victimes a ensuite diminué dans les années 1970 à 1990, avant de se maintenir à leur niveau, analyse le rapport de la Ciase. De l’aveu de Jean-Marc Sauvé, cette stabilisation s’explique davantage par la baisse des vocations et celle de la fréquentation des institutions catholiques que par un changement radical de comportement.

« La question de l’indemnisation n’est pas un don, c’est un dû. »

Comment réparer un tel drame. Peut-être d’abord en le reconnaissant, en présentant des excuses. Mais aussi en indemnisant les victimes. Vraiment. Selon Jean-Marc Sauvé, cette indemnisation « n’est pas un don mais un dû… l’Eglise a contracté une dette à leur égard ».

Mais les indemnisations ne pourront réparer les vies brisées.

Elles ne la dédouaneront pas de sa responsabilité d’avoir protégé des criminels en les maintenant dans des postes en contact avec de petites victimes potentielles.

Elles ne feront pas oublier le choix de l’Eglise de garder le silence. D’avoir préféré ne pas faire de vague au sein de l’Institution plutôt que de protéger des enfants impuissants.

Elles ne doivent pas non plus l’épargner d’une nécessaire refonte de son organisation.

Au vu de ces chiffres, la réforme de l’Eglise n’est plus une option. Un premier pas est à noter puisque le 8 décembre prochain une réforme du droit canonique entrera en vigueur. Les agressions sexuelles passeront notamment de “la catégorie des offenses à la chasteté à la catégorie des atteintes à la vie et à la dignité des personnes”.  Un début.

Eric de Moulins-Beaufort, président de la conférence des évêques de France a exprimé “sa honte”, “son effroi” et a demandé “pardon” aux victimes de pédocriminalité. Il a également « invité les catholiques à lire ce rapport ». Et d’ajouter “La voix des victimes nous bouleverse, leur nombre nous accable. Il dépasse ce que nous pouvions supposer.”

Si la commission CIASE arrête ici ses travaux, elle passe le relai à l’Eglise et à la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Civiise)”. L’épiscopat de son côté a annoncé des mesures pour le printemps 2022, évoquant un dispositif de “contributions” financières versées aux victimes à partir de 2022, dispositif qui ne fait pas l’unanimité chez ces dernières ni chez les fidèles. Les fidèles justement qui sont aujourd’hui appelés à contribuer aux dons pour aider au financement de l’indemnisation colossale qui s’annonce. Ça sent un peu la double peine ça non ? Donner alors que les fidèles de cette église ont déjà tellement « donné » au travers leurs enfants victimes de déviants sexuels. Un peu de dignité ne serait pas de trop messieurs les évêques.

Photo : Pixabay