L’illusion de l’anonymat
L’anonymat supposé des réseaux sociaux permet tous les excès, tous les dérapages, et donne la (fausse) illusion que l’on devient intouchable caché derrière son écran et un pseudo. C’est sans doute ce qu’a cru Mila, cette adolescente auteure de 2 vidéos polémiques sur l’Islam qui, en janvier 2020, ont choqué de nombreuses personnes croyantes comme athées. Diffusées sur la plate-forme TikTok, elles avaient provoquées, on s’en souvient, un déchaînement de violences sans précédent à son encontre.
Dix hommes et trois femmes seront jugés le 3 juin par la 10e chambre correctionnelle du tribunal de Paris pour des propos d’une extrême violence à l’encontre de Mila allant jusqu’à des menaces de mort.
Mulsulmans, catholiques, athées, tous les accusés disent avoir réagi au caractère raciste des posts de l’adolescente. Plus intéressant : tous disent avoir réagi à chaud et la majorité d’avouer avoir oublié dès le lendemain leur message.
Dans le monde des réseaux sociaux, certain de son anonymat, il est donc possible de menacer quelqu’un des pires sévices et de l’oublier aussitôt ? Le tweet de l’un des accusés en dit long sur la violence ressentie « Bon. enculer là fort qu’on en parle plus. mettez un coup de machette de ma part a cette grosse pute de #MILA ». Nous nous épargnerons la longue liste des insultes dont Mila a été victime tant le déchaînement de violence y est insupportable.
Tous les accusés reconnaissent la confiance ressentie derrière leur écran, tous parlent d’un coup de sang, d’un besoin irrépressible d’évacuer sa colère… pour l’oublier le lendemain.
Les prévenus risquent deux ans de prison et 30 000 euros d’amende pour harcèlement, et trois ans et 75 000 euros pour menaces de mort. Mila, quant à elle, a été obligée de déménager, de se terrer car l’histoire récente a prouvé que, parfois, certains se saisissent de propos et passent à l’acte.
Les réseaux sociaux ont sans doute des vertus mais ils n’autorisent pas tout. La liberté d’expression que revendiquent certains des accusés est certes un droit mais sa limite en est le respect, un respect dont la victime n’avait pas mesuré l’importance, déclenchant le tsunami que l’on sait.
L’Enfant Bleu Toulouse travaille depuis de longues années à la sensibilisation des enfants et ados aux risques d’Internet. Au risque que prend le harceleur caché derrière son écran, aux risques qu’un tel acharnement engendre pour les victimes qui parfois, pour en finir, ne voit plus que le suicide.
Qu’on se le dise, les mots ont un sens et celui-ci peut-être lourd, grave, définitif. Celui de « respect » est visiblement à redécouvrir.